Dans une industrie aéronautique en proie à l'incertitude, le leader américain Boeing planche déjà sur ses prochains relais de croissance. Avec en ligne de mire, un marché peu orthodoxe : celui de taxis non seulement électriques et autonomes, mais surtout, volants.
"Patienter dans les bouchons ne sera bientôt plus qu'un lointain souvenir" : tels sont les mots employés par Wisk, la joint-venture dans laquelle Boeing vient de réaliser un nouvel investissement de 450m$. L'entreprise avait déjà su s'associer en 2018 à la compagnie aérienne Air New Zealand, lui permettant de réaliser plus de 1,500 tests sous son giron.
Avec cet investissement, Wisk devrait désormais avoir une marge de manœuvre suffisante pour atteindre son ambition de devenir officiellement la première compagnie de taxis aériens des Etats-Unis d'ici 2028. Ça ne s'invente pas.
Le PDG de Boeing aurait-il perdu la tête ? Aussi fou que ce projet puisse sembler, il est en réalité tout à fait cohérent d'un point de vue business :
Malgré un endettement conséquent, 450m$ ne représente pas une si grosse somme pour un groupe dont le CA a été de 62mds$ sur les 12 derniers mois.
Le marché des vols commerciaux est depuis longtemps à maturité, si bien qu'il est devenu difficile d'y réaliser des marges véritablement juteuses. Les perspectives du secteur sont par ailleurs toujours assez sombres.
A contrario, en cas de succès, les retombées de ce projet pourraient être massives, en ouvrant le groupe à un nouveau marché gigantesque. Déjà estimé à 818m$, celui-ci devrait croître à un rythme de 26%/an pour atteindre 6,6mds$ d'ici 2030. Même en prenant en compte les faibles chances de succès, ce genre d'investissements présente donc une espérance de gains considérable. Voir notre article sur l'importance de l'optionalité dans la stratégie d'une entreprise à ce sujet.
Avec ces 450m$, Boeing améliore considérablement les chances de succès de Wisk (et donc, les siennes) en leur permettant de financer leur programme de R&D pour les prochaines années.
Comme Wisk aime à le rappeler, 80% des accidents d'aviation sont dus à une erreur humaine de pilotage. En supprimant purement et simplement tout pilote à bord, Wisk améliorerait donc considérablement la sécurité de ses appareils...Ce qui pourrait bien sûr accroître par la même occasion la sécurité des vols commerciaux de Boeing.
Le thème de l'autonomie est d'autant plus crucial pour la croissance de Boeing que le secteur s'attend à une véritable pénurie de pilotes, dont le poids devrait s'aggraver avec les années. Un nombre limité de pilotes finira tôt ou tard par brider le nombre d'avions en circulation, et donc, la croissance du marché. S'affranchir de pilotes donne ainsi la possibilité à Boeing de continuer à croître avec une épine dans le pied en moins.
Enfin, les économies associées à l'absence de pilote à bord seraient significatives, et permettraient ainsi au secteur de donner un peu d'air à ses marges, déjà particulièrement sous pression.
Si un tel projet laisse de nombreuses questions en suspens, tant sur le plan humain qu'écologique, il pourrait en tout cas s'avérer particulièrement lucratif pour Boeing. Et par la même occasion, le placer en concurrence avec des groupes aux ambitions peu ou prou similaires, comme Tesla ou Uber...
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Baptiste Martin
Baptiste est rédacteur chez bigfish investing. Spécialiste de la modélisation financière, Baptiste scrute chaque mois les comptes de centaines d'entreprises pour n'en garder que la crème de la crème.
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