Il fallait décidément avoir l'estomac bien accroché pour conserver l'action Beyond Meat (NASDAQ: BYND) dans son portefeuille depuis son introduction en mai 2019. Propulsée à 235$ (+252%) en à peine deux mois, son cours est depuis redescendu aussi vite qu'il est monté.
Il faut dire que la valorisation de Beyond Meat faisait figure d'exception au sein d'un secteur alimentaire plutôt habitué à des ratios modérés. La raison de cette euphorie ? Les investisseurs étaient particulièrement enthousiastes quant au marché gigantesque de la viande végétale auquel son PDG, Ethan Brown, s'est attaqué depuis la création de sa société en 2009. Avec succès.
L'action Beyond Meat traîne aujourd'hui aux alentours de 100$. Alors, est-il encore raisonnable de penser qu'elle puisse enrichir ses actionnaires sur la durée ?
Côté bulls
Beyond Meat n'est pas une société de l'industrie alimentaire comme les autres. Depuis plus de 10 ans, ses steaks végétaux (sa gamme s'est toutefois largement étendue depuis) font office de figure de proue d'une véritable mégatendance, celle de la végétalisation de nos assiettes.
Le marché de la viande végétale devrait ainsi croître à un rythme de +9%/an de 2025 à 2040 pour représenter 450mds$ selon Kearney, soit le quart de la consommation mondiale de viande et assimilés. De quoi attiser l'appétit des investisseurs du monde entier.
Si nous n'en sommes qu'aux débuts de cette tendance, Beyond Meat parvient jusqu'à présent à assumer son rang de leader avec brio. Déjà bien implantée aux Etats-Unis (28,000 points de vente), la firme s'attaque depuis peu à l'Europe via la distribution de ses produits annoncée dans plusieurs milliers de points de vente répartis au Royaume-Uni, en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Autriche.
Côté restaurants, des partenariats ont déjà été réalisés pour distribuer ses steaks dans certaines des plus grandes chaînes au monde, telles que McDonald's.
La recette du succès de Beyond Meat tient dans la qualité de son produit. La société de Los Angeles investit chaque année environ 10% de son chiffre d'affaires en R&D pour que ses produits soient parmi les plus ressemblants possibles à de la vraie viande. Et disons-le franchement : le résultat est saisissant.
Or dans de nombreux pays comme la France, il n'existe aucune alternative crédible à Beyond Meat. Des steaks de soja certes, mais rien dont la ressemblance n'arrive à la cheville de la firme californienne.
Cette longueur d'avance leur permet de justifier de prix (et donc de marges) élevés, tout en s'installant durablement dans les habitudes de consommation des veggies du monde entier.
Avec de tels arguments, on comprend bien comment Beyond Meat peut tant faire saliver les marchés. Etudions maintenant les arguments du camp opposé.
Côté bears
A court terme, il va de soi que la pandémie a profondément impacté le segment restaurants de Beyond Meat, entraînant avec elle la rentabilité de toute l'entreprise. Il faut dire que ce segment représentait environ la moitié des ventes de l'entreprise.
Ce n'est toutefois pas ce qui devrait préoccuper les marchés dans la mesure où ce segment devrait repartir avec la fin de la pandémie. C'est donc à plus long terme qu'il faut s'interroger sur les causes de la chute du cours de Beyond Meat.
La raison, c'est simplement le rempart concurrentiel de la firme. Aujourd'hui leader, rien ne garantit à Ethan Brown que sa société parviendra à le rester alors que de nombreux géants de l'agroalimentaire comme Tyson Foods ont déjà commencé à investir massivement pour rattraper l'avancée prise par Beyond Meat, et ainsi forcer le groupe à réduire ses marges autant que ses volumes.
C'est sans compter également sur d'autres spécialistes des burgers végétaux tels que Impossible Foods, dont le principal objectif est de détrôner Beyond Meat de sa place de leader. Bref, la principale menace qui pèse sur le groupe est celle de sa concurrence.
Nous partageons cette crainte. Toutefois, nous pensons que Beyond Meat ne mérite probablement pas une chute aussi brutale de son cours : il va de soi depuis ses débuts que Beyond Meat ne resterait pas seule sur un marché à 450mds$.
De plus, comme l'a remarqué Pat Brown, PDG d'Impossible Foods (oui, les deux PDG ont le même nom) : "Beyond Meat n'est pas notre concurrent, et je ne le souhaite que du succès".
La raison ? Le véritable ennemi de ces deux groupes est surtout le marché de la viande, la vraie. C'est là que se situe leur véritable réservoir de croissance, bien plus que dans la clientèle de leur concurrent.
Notre avis ? Nous adorons cette société tant de par son positionnement que par sa mission, et pensons que Beyond Meat a de beaux jours devant elle. Toutefois, nous restons nuancés. Nous ne pensons pas que Beyond Meat soit "l'action qui vous rendra millionnaire demain".
Nous n'avons aucun doute sur sa capacité à accroître considérablement ses volumes au cours des prochaines années, mais restons plus dubitatifs quant à la défense de ses marges, challengées à la fois par des dépenses en R&D qui devraient rester conséquentes, et une pression concurrentielle croissante.
Sans compter sur l'apparition d'un nouveau marché au cours des prochaines années : celui de la viande cultivée en laboratoire, dont la demande devrait dépasser celle de la viande végétale dès 2035 selon Kearney.
Les steaks végétaux : pourquoi pas donc. Mais à consommer avec modération.
Plus d'actions ? Notre service de sélection d'actions bigfish bat le CAC40 dans une proportion de 3 contre 1 depuis son lancement. Cliquez-ici pour le découvrir.
bigfish applique une charte de transparence. Pour plus d'informations, veuillez consulter notre politique de transparence dédiée.
Baptiste Martin
Baptiste est rédacteur et analyste chez bigfish. Spécialiste de la modélisation financière, Baptiste analyse chaque mois les comptes de centaines d'entreprises pour n'en garder que la crème de la crème.
Comments